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REVENANTS.

dement de cette action impie ; car, au moment même où il la commettait, il avait entendu Jeanne invoquer le nom de Jésus, en poussant le dernier soupir, et il avait vu « en rémission de l’esprit de ladite Jeanne, une colombe blanche sortir de la flamme[1]. »

C’est aux vivants à demander, aux morts qui les visitent, ce qu’ils peuvent souhaiter ; car, si l’on néglige d’interroger les revenants, ils demeureront long-temps sans communiquer le but de leur apparition. Ils cessent de se montrer lorsqu’on a fait dire les messes qu’ils avaient demandées, ou qu’on a fait, à leur acquit, les pèlerinages qu’ils n’avaient pu accomplir. Du moment même qu’on s’occupe de les satisfaire, les revenants ne tourmentent plus les personnes dont ils se sont réclamés ; ils les avertissent seulement du nombre d’apparitions qu’elles doivent attendre encore. Après que tout est achevé, il arrive souvent que la reconnaissance engage le mort à faire, au vivant qui l’a secouru, une dernière visite de remercîment et d’adieu[2].

Il existe une coutume assez singulière au sujet des pèlerinages entrepris à l’intention des morts. Avant de se mettre en route pour leur charitable voyage, les parents ou les amis du revenant vont déposer un bâton blanc sur sa fosse. Ils sont persuadés que l’ame du mort doit les accompagner, et, s’ils n’avaient pas l’attention de la pourvoir d’un solide appui, ils seraient obligés, pendant l’aller et le venir, de la porter sur leurs épaules. Or, ils redoutent beaucoup un semblable fardeau ; mais on ne peut en railler leur ignorance : c’est au cœur qui faiblit sous le chagrin qu’il faut demander ce que l’immatériel a de poids ! On a vu maintes fois, dit-on aussi, les personnes qui faisaient dire une messe à l’intention d’un revenant, toutes baignées de sueur, accablées comme si elles

  1. Déposition d’Isambard de la Pierre, citée par Le Brun de Charmettes, Histoire de Jeanne d’Arc, t. IV, p. 207.
  2. L. Dubois, Annuaire statist. de l’Orne, 1809. — P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec ; (Annuaire de la Manche, 1832.)