Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
CHAPITRE XIII.

Une apparition mémorable des démons promoteurs d’orages, se rapporte à un trait de l’histoire de Normandie. En l’année 1147, Geoffroy Plantagenet, faisant une excursion dans le Poitou, assiégea Montreuil-Belloy, et fit dresser devant cette ville trois bastilles, dans lesquelles il mit garnison. Cependant Montreuil soutint les efforts des assiégeants pendant trois ans ; puis enfin, messire Girard du Bec, qui défendait cette place, en qualité de seigneur, se rendit par composition. Or, pendant que les machines de guerre ébranlaient les murailles, il s’élevait de terribles tempêtes, qui abattaient les maisons, les arbres des environs, et jusqu’à des forêts entières. Mais, un spectacle plus effrayant encore que cet affreux désastre, c’était de voir, sous la forme de divers animaux hideux, une multitude de démons, se bataillant les uns contre les autres, à l’extrémité des tourbillons orageux qu’ils entraînaient à leur suite[1].

Les Capitulaires de Charlemagne reconnaissent qu’il existe un art de diriger les orages, et donnent à ceux qui l’exercent le nom de Tempestaires[2]. Les anciens étaient très savants dans cette espèce de magie. Tibulle parle d’une magicienne qui pouvait, à son gré, faire tomber la neige, ou chasser les nuages du ciel et le rendre serein :

Quum lubet hœc tristi depellit nubila cœlo ;
 Quum libet œstivo convocat orbe nives[3],

L’empereur Constantin approuve, dans ses ordonnances, ceux qui éloignent les nuages de leur contrée, et préservent leurs terres des dévastations de la grêle et de la pluie[4].

  1. G. Dumoulin, Hist. de Normandie, liv. xi, p. 363.
  2. Capitularia Reg. franc. edent. Baluzio, I, 428, art. 25 : De Incantationibus et Tempestariis.
  3. Tibulle, de Magâ, Elegiar. lib. i, Eleg. 2, v. 51.
  4. Codex Theodosian., lib. ix, tit. 16 : De Malefic. et Mathem. § III : De Incantamentis.