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ESPRITS MÉTÉORES.

Histoire latine manuscrite de Charles IX, raconte que ce roi, allant chasser peu de temps avant son mariage, dans une forêt près de Rouen, vit apparaître devant lui un spectre flamboyant de la hauteur d’une lance. Les chasseurs effrayés de cette apparition prirent la fuite. Le roi seul, ayant tiré son épée, s’avança intrépidement, et poursuivit le feu-follet jusqu’à ce qu’il eût disparu. Ce prince raconta ensuite que la vue de ce spectre l’avait rempli de terreur, mais qu’il s’était fortifié en répétant un verset sacré qu’il avait appris, étant enfant, de son précepteur : Deus, adjutor meus sis mihi ; in Deum adjutorium meum. La forêt ayant été abattue, Charles s’attacha, par prédilection, à cet emplacement qui lui rappelait un acte courageux de sa vie ; c’est pourquoi il y fit jeter les fondements d’une magnifique maison de plaisance. Depuis cette époque, ce lieu prit le nom de Charles-Val[1].

Il est un préjugé, se rapportant aussi aux phénomènes de la nature physique, qui doit, sans doute, sa naissance aux artifices des anciens thaumaturges, mais qui semble s’être conservé jusqu’à nous par le besoin naturel qu’éprouve l’homme de rendre responsable de ses malheurs un être sur lequel il puisse déverser ses malédictions. L’impérieuse nécessité, cette loi fondamentale de la création, qui concourt, avec la Providence, à gouverner le monde, ne saurait être, en effet, reconnue de l’ignorance et de la faiblesse, parce qu’elle ne leur laisse pas le recours des plaintes allégeantes, ni des remèdes consolateurs, quoique inutiles et impuissants.

Les habitants de nos campagnes, lorsque nos récoltes sont abattues par la grêle, dévastées par l’orage, ne veulent pas voir dans cet accident un effet inévitable des lois immuables de la nature. Si des nuées effroyables envahissent tout-à-coup un ciel serein, lancent la foudre et la grêle, submergent les moissons, ravagent les champs et les plaines, et enlèvent, ainsi, en quelques instants, le prix des sueurs d’une année de tra-

  1. Mayer, Fragments de l’Histoire manuscrite de Papyre Masson, insérés dans la Galerie philosophique du xvie siècle, t. I, p. 226.