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CHAPITRE XIII.

et accomplissent de nombreuses évolutions. De là vient qu’on a prétendu qu’ils errent à dessein dans la campagne pour fasciner les voyageurs, les attirer sur leurs traces, et les entraîner ensuite vers une rivière, un fossé profond, une marnière, ou tout autre précipice. Lorsqu’ils ont réussi dans quelques-uns de ces méchants tours, les feux-follets poussent de longs éclats d’un rire sarcastique pour railler leur malheureuse victime près de périr[1]. Ainsi, nous rencontrons dans la vie de ces lueurs fatales qui troublent l’esprit, qui l’égarent en paraissant l’éclairer, et dont les sophismes moqueurs bafouent notre désespoir, lorsqu’ils nous ont fait succomber à de mortelles embûches !

Se sauver, en apercevant un feu-follet, est un moyen infaillible de l’attirer sur ses pas ; pour éviter les dangers qui résultent de cette apparition, il faut se coucher la face contre terre, et invoquer le secours de Dieu.

S’il prend fantaisie à une personne retirée dans sa maison d’appeler à coups de sifflet les feux-follets qu’elle voit sautiller dans la plaine, ceux-ci accourent aussitôt en foule, tant de près que de loin, avec une vitesse prodigieuse. Il faut se hâter de fermer la fenêtre avant qu’ils en aient touché le bord, sans quoi ils ne manqueraient pas d’étouffer le malencontreux siffleur[2].

Les démonographes nomment les feux-follets : Ardents. Le Loyer remarque qu’ils errent souvent dans les cimetières, et qu’ils sont les commensaux ordinaires des gibets[3]. Dans nos contrées, ils fréquentent les pierres druidiques, et tous les lieux mal famés où se rencontrent de nocturnes apparitions.

  1. Pluquet, Contes popul. de l’arrond. de Bayeux. — L. Dubois, Annuaire statist. du départ, de l’Orne, 1809. — P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec, (Annuaire de la Manche, année 1832.) — L.-J. Chrétien, Usages, Préjugés, etc., de l’arrond. d’Argentan.
  2. Bodin, Théâtre de la Nature.
  3. Le Loyer, Disc. des Spect., l. i, chap. 7.