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LOUPS-GAROUS.

pagnes, au sujet des loups-garous, se formulent de deux manières, à peu près invariables : Si le paysan, qui a fait la rencontre du loup-garou, est d’un naturel peureux, d’une imagination crédule, il vous représentera l’ennemi, qu’il lui a fallu combattre, comme un être fantastique, insaisissable, échappant à toutes les poursuites et à toutes les représailles ; se montrant ici, puis là, sans qu’on sache ni d’où il vient, ni comment il est venu ; tantôt se grandissant à vue d’œil, tantôt s’évanouissant tout-à-coup, et, lorsqu’il se donne la peine de marcher, enjambant plus lestement sous la haire que le meilleur coureur du canton ; en un mot, ressemblant, malgré sa qualité de vivant, à tous les fantômes imaginables. Si, au contraire, le héros du récit est un villageois courageux, robuste et quelque peu sceptique, avec deux mots de menace fermement accentués, il aura fait fuir le pauvre loup-garou, plus traînard et plus mal empêtré qu’un conscrit faisant une étape forcée. Même, le cas échéant où notre villageois aurait à se venger de quelque méchante plaisanterie, il se pourrait que le loup-garou n’en fût pas quitte à si bon marché. On parle de corrections exemplaires, si vigoureusement administrées que la mort s’en est suivie ; et c’est là, peut-on croire, le genre d’épreuve le plus libéralement offert aux loups-garous pour assurer leur délivrance.

Suivant l’opinion de nos paysans, le loup-garou serait quelquefois la métamorphose du corps d’un damné qui, après s’être tourmenté long-temps au fond de son tombeau, est parvenu à briser ses funèbres entraves et à s’échapper. Cette superstition, comme on le voit, a beaucoup d’analogie avec celle des vampires de la Hongrie et de l’Orient.

Lorsqu’un damné, qui doit devenir un loup-garou, commence à éprouver les instincts de sa nature farouche, il dévore le suaire qui lui couvre le visage. Le suaire est un mouchoir plié en triangle, et trempé, par ses trois pointes, dans de la cire vierge qu’on a fait fondre. Alors, on entend sortir de la tombe de ce malheureux des lamentations sourdes et pro-