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LOUPS-GAROUS.

tenait encore des loups-garous et de leurs promenades nocturnes, de leurs travestissements, du bruit effrayant des longues chaînes de fer qu’ils traînaient à leur suite, voire même des attaques galantes qu’ils risquaient vis-à-vis des femmes. Mais ce dernier trait, nous n’en doutons pas, est pure calomnie : les loups-garous de notre province se sont toujours fait rogner les ongles par le beau sexe, et, ce qui leur mérite plus d’éloges encore, nul d’entr’eux ne s’est identifié sérieusement avec les abominables extravagances des véritables lycanthropes.

Bodin raconte cependant que, en 1566, un procès fut intenté à des sorcières de Vernon, département de l’Eure, qui avaient coutume de s’assembler dans les ruines d’un ancien château. Quatre ou cinq hommes déterminés résolurent de passer la nuit en cet endroit ; mais leur témérité reçut un rude échec. Ils se trouvèrent assaillis par une légion de chats qui s’escrimèrent sur eux de telle façon, que l’un de ces hommes fut tué, et les autres cruellement marqués. Plusieurs chats furent aussi atteints en retour, et se trouvèrent après muez en femmes, et bien blessés. Mais, d’autant que cela semblait incroyable, ajoute l’auteur du récit, la poursuite fut délaissée.

La défiance des juges normands, en cette occasion, ne laisse pas d’avoir son mérite, car ce conte n’en était pas à sa première édition ; il avait trouvé ailleurs des crédules, et Bodin, qui le tient pour vraisemblable, l’appuie d’un autre exemple de même nature, confirmé du témoignage de cinq inquisiteurs expérimentés[1].

Il est plus aisé d’indiquer les causes qui ont contribué à la propagation de la lycanthropie, que celles qui lui ont donné naissance. Peut-être les premières semences de ces idées bizarres furent-elles répandues par quelques hardis thaumaturges qui voulaient s’assimiler aux héros et aux dieux, en s’attribuant la faculté d’une métamorphose[2]. Ils choisirent la

  1. Bodin, De la Démonomanie des Sorciers, liv. ii, chap. 6.
  2. Dunlop, The History of Fiction, t. III, p. 419.