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CHAPITRE X.

recrudescence d’erreurs, le clergé ne trouva rien de plus efficace que de vouer à l’invocation d’un saint chaque fontaine superstitieusement vénérée.

Saint Valéry, dont les prédications remontent au huitième siècle, passant par Aouste, y rencontre, près d’une fontaine vouée aux divinités païennes, une grande pièce de bois fichée en terre et chargée d’une multitude d’idoles. Aussitôt le saint se met à l’œuvre, et renverse cet odieux simulacre. Les habitants accourent furieux, et menacent de mort notre pieux confesseur ; mais, avec toute l’autorité de son ministère, il leur démontre la folie de leur superstition, et les convertit. Ils bâtirent une église en cet endroit, et y enfermèrent la fontaine où le saint, dit-on, s’était plongé, sans doute pour braver, aux regards de la foule, la puissance dérisoire des dieux tutélaires de la source. Il n’est pas besoin d’ajouter que ce lieu, comme tant d’autres, est devenu célèbre par les miracles qui s’y sont opérés[1].

La consécration des eaux devint d’un usage si général, qu’à peine rencontre-t-on, en Normandie, quelques sources privées d’un saint patronage. Toutes celles qui en sont pourvues, sont devenues des lieux de pèlerinage très fréquentés ; car on attribue à leurs eaux la vertu de guérir certaines espèces de maladies, non par une propriété naturelle et médicinale, mais par une action merveilleuse et sanctifiante. Ainsi, les unes sont favorables aux yeux malades et blessés ; les autres font recouvrer à l’enfant débile, au vieillard épuisé, la vigueur et la santé qui leur échappe ; avec une efficacité plus souveraine encore, il s’en trouve qui rendent aux membres engourdis et contractés du paralytique, le mouvement, le ressort, l’élasticité ; quelques-unes emportent, dans leurs ondes calmantes, cette douleur à double atteinte, brûlante et glacée, dont le fiévreux est tourmenté ; il en est même qui sont considérées comme une panacée universelle. De ce nombre il faut

  1. Désiré Lebeuf, Eu et le Tréport, p. 5.