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TRÉSORS CACHÉS.

bord d’être citée, puisque le code Justinien mentionne leur existence, en prohibant, par une loi spéciale, l’emploi de la magie dans leurs opérations[1]. En dépit du code Justinien, et des excommunications foudroyantes auxquelles ils ont été en butte, les chercheurs de trésors se sont multipliés et propagés par toute la terre. Il n’est point de contrée, quelque lointaine et inconnue qu’on la suppose, qu’ils n’aient soumise à leurs cupides investigations. Au Mexique et au Pérou, on les rencontre sur les chaînes de montagnes, à la source des fleuves, aux lieux jadis habités, cherchant les filons de métal, les pépites d’or, ou les richesses enfouies des Incas. Ailleurs, sur les rivages solitaires de l’île de la Tortue, au fond des criques sauvages de la côte de Manhattan ou de Long-Island, on les retrouve, sous le nom de Monney-diggers, interrogeant chaque arbre, chaque rocher, et palpitant d’espérance et de joie s’ils viennent à découvrir quelques caractères bizarres et mystérieux, indice certain que de hardis boucaniers ensevelirent jadis leurs trésors près de cet endroit. On les suit, enfin, à la trace de leurs dévastations, dans le nord de l’Europe, en Sibérie, et jusqu’au milieu des steppes immenses de la Tartarie ; on les voit occupés à ouvrir ces collines factices, vastes tombeaux où dorment les hordes de Tartares qui ravagèrent l’empire romain, et qui voulurent être inhumés avec les masses incalculables de métaux précieux dont ils avaient dépouillé le monde[2]. La révolution française, avec son émigration et ses proscriptions, leur a ouvert une mine féconde et nouvelle, que de long-temps ils ne cesseront d’exploiter, mais sans renoncer pour cela aux chimériques espérances que d’antiques traditions leur ont léguées ; ils vont redemandant, avec une persévérance infatigable, à la Bretagne ses trésors druidiques, à la Normandie les richesses enfouies par les Anglais, lorsque, sous Charles VII, ils furent brusquement forcés d’abandonner cette

  1. Lex unica de Thesaur., lib. X, § xv, Cod. Justinian.
  2. Gazette littéraire, septembre 1830.