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CHAPITRE VIII.

le lui permettent les entraves de sa métamorphose. Elle ne réclame qu’une grâce bien humble, une faveur bien légère ! Trois baisers seulement… qu’elle doit recevoir sous la forme hideuse dont elle est revêtue, mais qui lui rendront la beauté divine qu’elle possédait avant sa cruelle transformation. Le hardi visiteur auquel elle adresse ses plaintes en est ému et touché ; il veut tenter l’épreuve des trois baisers ! Chacun d’eux rend la pauvre captive plus affreuse, plus repoussante, plus épouvantable ! Malheur pourtant au lâche qui fuirait en ce moment ; une prompte mort punirait son manque de courage. Mais ceux qui, en semblable aventure, ont su vaincre l’horrible prestige, ont reçu en récompense tous les trésors que la fée gardait dans sa grotte[1].

Ailleurs, la possession des trésors appartient à des nains. « Sous le château de Morlaix, en Bretagne, il existe de petits hommes d’un pied de haut, vivant sous terre, marchant et frappant sur des bassins ; ils étalent leur or et le font sécher au soleil. L’homme qui tend modestement la main reçoit d’eux une poignée de métal ; celui qui vient avec son sac, dans l’intention de le remplir, est éconduit et maltraité : leçon de modération qui tient à des temps reculés[2]. »

On sait que les Goubelins sont préposés en Normandie à la

  1. Voyez, comme exemples des légendes dont nous donnons ici un aperçu : l’Histoire de la Pucelle de Bâle ; (Mémoires de l’abbé d’Artigny, t. iv, p. 1 et suiv. ;) — La princesse Mazurina, tradition du mont Hiéraple ; (Notice insérée dans les Mémoires de l’acad. de Metz, année 1828-1829, p. 363 ;) — La Dame Blanche captive, légende connue à Rougemont, village d’Alsace ; (Ant. de l’Alsace ; Haut-Rhin, par M. Golbéry, p. 91.) — La tradition des fées gardiennes des trésors existe aussi en Normandie : Dans une plaine qui s’étend entre deux petites communes des environs de Dieppe : Luneray et la Gaillarde, se rencontrent, notamment sur cette dernière commune, plusieurs puits très profonds ! on prétend que les fées y ont déposé leurs trésors ; elles apparaissent souvent la nuit dans cet endroit, et on les voit danser, pour charmer les ennuis de leurs veilles. (Guilmeth, Hist. comm. des environs de Dieppe, p. 91.)
  2. Cambry, Voyage dans le Finistère.