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LES FÉES.

Aux environs d’Elbeuf, on donne aux Dames blanches les noms variés de Blanches Fées, Blanches Mains, Blancs Fantômes, enfin la dénomination singulière de Vampires Blancs-Manteaux, sans doute par allusion à leur habitude de dérober les enfants[1].

Dans le département de la Manche, on nomme les Dames blanches, Milloraines ou Demoiselles. Les Milloraines sont d’une taille gigantesque ; elles se tiennent immobiles, et leur forme, trop peu distincte, ne laisse reconnaître ni leurs membres ni leur visage. Lorsqu’on s’approche d’elles, elles prennent la fuite par une succession de bonds irréguliers, accomplis avec une extrême rapidité. Leur passage excite, dans les arbres, un bruit semblable à celui d’un ouragan[2].

Il y a des lieux renommés, en Normandie, par les scènes de féerie dont ils sont habituellement le théâtre. On montre encore, à Saint-Paër, près de Gisors, un carrefour, entouré d’arbres, où se réunissent plusieurs routes, et qui est nommé par les uns : le Rendez-Vous des Fées, par les autres : Rond des Pouilleux, en faisant allusion à un fait traditionnel ; exemple bizarre et tant soit peu vulgaire des caprices souverains de mesdames les fées.

Au milieu du carrefour que nous avons indiqué, se tenait, tous les soirs, le grand conseil de fées qui s’était attribué la surveillance du pays. Chaque fée avait un canton à administrer, et elles devaient se rendre compte mutuellement de ce qui s’était passé dans leur district. La présidente de l’assemblée tenait, entre ses mains, un livre de vie qui contenait les noms de chaque habitant. À mesure que les fées faisaient leur rapport, et suivant qu’il était favorable ou contraire, elle marquait les noms inscrits d’un point noir ou blanc, et l’on prononçait ensuite le jugement des coupa-

  1. Guilmeth, Histoire de la ville d’Elbeuf.
  2. Pierre Le Fillastre, Superstit. du canton de Briquebec. (Annuaire de la Manche, 1832, p. 211.)