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LES FÉES.

crépuscules ne sont qu’une image décolorée. Ce château est aussi l’asile des plus délicieux enchantements. Les puissantes fées qui y demeurent savent à la fois guérir les blessures du corps, et effacer les douleurs de l’âme. C’est là qu’Arthur mourant fut porté après la bataille de Cubelin, pour être confié aux soins de Mourgue la fée. C’est là qu’Ogier-le-Danois reçut de cette même Mourgue une couronne d’oubli, qui, posée sur le front, endormait tous les souvenirs de l’existence terrestre.

Un printemps perpétuel règne dans Avalon, et, au milieu des suavités de son doux climat, on aspire de toutes parts, dans ce lieu divin, les exhalaisons d’une vie immortelle. Grâce à cette force rassérénante, la jeunesse des élus ne connaît point de terme, et les siècles s’écoulent dans une facile succession de jeux et de plaisirs qui n’amènent aucun des malaises énervants de la satiété ou de la lassitude[1].

En un mot, Avalon est un de ces paradis intermédiaires, dont chaque peuple, tour à tour, s’est créé le rêve, suivant la mesure de son imagination. Car, dans tous les pays du monde, comme à tous les âges de la société, l’homme, pour s’abuser sur des misères réelles, a senti le besoin d’inaugurer un asile de délivrance et de repos, où sa destinée fût embellie de toutes les pompes de l’idéal ! Et notre siècle lui-même, si positif, si raisonneur, si désenchanté, lorsqu’il se met en quête de religions nouvelles et d’idées régénératrices, ne ressemble-t-il pas, pour sa part, au plus fou coureur d’aventures qui ait jamais été chercher le royaume des illusions au-delà des limites du possible ?

Si brillante et magnifique qu’elle soit, Avalon n’a point ravi à la terre toutes les fées magiciennes. Plusieurs d’entr’elles, nous l’avons dit, ont une existence semi-historique, et leur nom demeure attaché à quelque ancien monument qu’il enveloppe de vénération et de mystère.

  1. Fairy Mythology, p. 71. — Leroux de Lincy, Livre des Légendes, Introduction, p. 175.