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CHAPITRE V.

formée la personnification la plus riche et la plus capricieuse que l’imagination ait conçue dans ses rêves.

Après avoir indiqué l’origine des différentes espèces de fées des romans de chevalerie, il est facile, à l’aide de quelques rapprochements, de déterminer les affinités caractéristiques que présentent, avec ces dernières, les fées populaires de notre province.

Suivant notre division antérieure, les fées des romans se partagent en deux classes principales. À la première appartiennent les fées magiciennes, qui sont les élèves et les amies des Bardes et des Devins de l’Armorique ; de simples mortelles, divinisées par une science occulte, dont les éléments étaient empruntés aux débris du paganisme antique, aux derniers vestiges des croyances celtiques et gauloises. On peut comparer, à cette espèce de fées, celles de nos fées populaires qui ont une existence semi-historique : la fée d’Argouges et de Rânes et les fées de Pirou.

Par les fées divines, nous entendons ces substances élémentaires que nous ont révélées la Scandinavie et l’Orient.

Les fées divines se rencontrent dans les romans plus rarement que les fées magiciennes. Isaïe-le-Triste est un des premiers romans où elles jouent un rôle ; voici de quelle manière on décrit leur apparition :

« Isaïe-le-Triste est le fils du célèbre Tristan et de la belle Yseult, femme de Marc, roi de Cornouailles ; sa mère accouche de lui, en secret, dans la forêt de Mouris. Aussitôt après sa naissance, elle envoie chercher un ermite, qui demeurait dans le voisinage ; celui-ci baptise l’enfant, en le plongeant dans une fontaine, et lui donne le nom d’Isaïe-le-Triste, qui devait rappeler ceux de son père et de sa mère. La reine retourne alors chez son époux, et le solitaire emporte le petit Isaïe dans son ermitage.

« Un soir, que la lune brillait aux cieux, et que l’ermite, retiré dans son oratoire pour vaquer à ses dévotions, était agenouillé devant l’autel, son attention fut distraite par les