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LES FÉES.

de leurs adorateurs. Elles portent le bonheur dans leur main droite, le malheur dans leur main gauche. On a eu soin de préparer, dans une chambre propre et reculée, le repas que l’on doit leur offrir. On ouvre les portes et les fenêtres ; un linge blanc est placé sur une table, ainsi qu’un pain, un couteau, un vase plein d’eau ou de vin, et une coupe. Une chandelle ou un cierge allumé est mis au milieu de la table. On croit, en général, que ceux qui leur présentent les meilleurs mets peuvent espérer toutes sortes de prospérités pour leurs biens et leur famille ; mais les personnes qui ne s’acquittent qu’à regret de leurs devoirs envers les fées, et qui négligent de faire des préparatifs dignes de ces divinités, doivent s’attendre aux maux les plus grands[1]. » Dans le roman de Guillaume au Court-Nez, cet usage de dresser une table chargée de trois couverts, pour attirer les bonnes grâces des fées, est indiqué comme se pratiquant à la naissance des enfants[2]. Or, c’est dans cette circonstance principalement qu’une parfaite similitude s’établit entre les Fées et les Parques.

Que conclurons-nous de tout ce qui précède ? Que différentes espèces d’êtres surnaturels, d’origines très diverses et de physionomies très variées, et rapprochés seulement par la communauté des attributs, ont été enveloppés sous un nom générique, caractérisant la faculté qui formait entre eux le point de similitude ; et que, de ce mélange réciproque, s’est

  1. Du Mège, Monuments religieux des Voices Tectosages, p. 386.
  2. Coustume avaient les gens, par véritez,
    Et en Provence et en autres regnez,
    Tables métoient et sièges ordenez,
    Et sus la table iij blans pains buletez,
    Jij poz de vin et iij hénas de lès,
    Et par encoste iert li enfès posez.

    Cité par Leroux de Lincy : Livre des Légendes, etc., Appendice V, p.257.

    En Basse-Normandie, dans l’arrondissement d’Argentan, on n’oublie pas de servir une table pour le génie protecteur de l’enfant qui va naître.