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CHAPITRE IV.

quante ; nous en donnons pour preuve le couplet suivant d’une ballade envoyée par les Anglais, assiégés dans Pontoise, aux Français assiégeants, en 1441.

De grand langage trop avez
Dont vous usez soir et matin,
Et semble toujours que devez
Combattre l’amoral Baquin ;
Mais c’est la Mesgnie Hanequin
Que de vous à qui le cœur faut ;
Tant plus en y a et pis vaut.[1]

Orderic Vital, dans son Histoire de Normandie raconte une apparition de la Mesgnie Hellequin dont un prêtre fut témoin en 1091. Une sorte d’hallucination dantesque préside à ce récit, où les châtiments de la vie éternelle sont dépeints avec des images d’un effet saisissant, malgré la puérilité de certains détails.

Le prêtre dont il s’agit se nommait Gaucelin, et était desservant d’une église de Bonneval (diocèse de Lisieux). Or, comme il revenait, certain soir, d’administrer un malade dont la demeure était située à l’extrémité de la paroisse, il entendit, derrière lui, sur un chemin éloigné de toute habitation, un mouvement tumultueux semblable à la marche d’une armée. Il pensa que ce devaient être les gens de Robert de Bellesme qui s’en allaient en hâte assiéger Courci, et, quoiqu’il fût jeune et vigoureux, il ne jugea point à propos d’affronter cette rencontre. Ayant avisé quatre néfliers à l’écart du chemin, il se dirigea de ce côté pour s’y procurer une retraite. Mais tout aussitôt un pas de géant devança le sien ; le prêtre stupéfait fut traversé dans sa course par un spectre gigantesque qui le menaça du geste en s’écriant : « Arrête ! n’avance point un pas de plus. » Sans se le faire répéter, Gaucelin fit une halte soudaine ; le spectre se contenta de demeurer

  1. Jean Chartier, Hist. de Charles VII, imp. dans Denys Godefroy, p. 118.