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CHASSES FANTASTIQUES.

paraît, sinon plus certaine, au moins plus spécieuse que l’opinion rapportée dans une ancienne dissertation sur la féerie[1], qui établit que Helquin dérive de Charles-Quint, ou le Quint-Charles. Au reste, nos paysans ont redressé la barbarie primitive du mot ; on dit, en quelques villages de Normandie, la chasse Helchien[2].

M. Paulin Paris a conclu, à l’aide de rapprochements très ingénieux, que la Mesgnie Hellequin ou Herlequin, confondue avec celle de la Mort, était devenue insensiblement la famille Arlequin[3]. Cette transformation bouffonne d’un objet qui imprimait naguère, sinon le respect, au moins l’effroi, nous paraît dans toutes les conditions du naturel et de la vraisemblance. Il n’est rien comme le temps et l’usage populaire pour faire franchir au sublime le pas qui le sépare du ridicule ; voilà pourquoi tout doit finir par des chansons. La Mesgnie Hellequin fut parfois chansonnée d’une manière assez pi-

    nairement un brave chevalier et un vaillant guerrier. Mais, ayant dépensé tous ses biens au service de l’empereur, se voyant regardé avec mépris et abandonné à l’oppression des subalternes, il tomba dans le désespoir, et, avec ses fils et ses serviteurs, il forma une bande de voleurs. Après avoir commis maints ravages et défait toutes les forces envoyées contre lui, Hellequin, avec sa troupe, succomba dans un engagement sanglant contre les troupes impériales. On suppose qu’eu égard aux mérites de sa vie passée, il fut sauvé de la réprobation éternelle, mais que lui et ses adhérents furent condamnés, après leur mort, à errer jusqu’au jour du jugement dernier. (Walter Scott, Minstrelsy of Scottish border ; t. ii, p. 275.)

    Cette tradition, que Walter Scott a empruntée au roman en prose de Richard Sans-Peur, doit être regardée comme apocryphe, car elle n’entre pas dans la composition du roman en vers, qui est antérieur au roman en prose, et paraît seul exempt d’interpolations.

  1. Sur les Fées et la Maisnie Hellequin, Extrait d’un Ms. du Roi, Fds. Franc. 8189, fol. 38 à 41, cité par Leroux de Lincy, Livre des Légendes, Introduction, appendice 4.
  2. Pierre Le Filastre, Superstitions du canton de Bricquebec (Annuaire de la Manche), 1832.
  3. Paulin Paris, Manuscrit franc. de la Bibl. roy. ; t. i, p. 322.