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ÉPÎTRE

DÉDICATOIRE

DE P. BOREL A MONSIEUR CONRART
Conseiller & Secrétaire du Roy, Maison & Couronne
de France.

MONSIEUR,

ON me blâmera peut-estre d’adresser à un des plus polis esprits de France, ce qui nous reste de plus rude & de plus barbare du langage de nos ancestres. Mais pour vous, MONSIEUR, vous aurez sans doute la bonté de m’excuser, si vous considérez que je ne pouvais en user autrement sans injustice. Car puisque vous avez esté une des principales califes de la naissance de cet ouvrage, je ne devois le dédier à personne qu’à vous. C’est par vostre conseil que je l’ay entrepris, pour le soulagement & la satisfaction des Curieux, qui seront bien-aises, en lisant les Livres écrits en vieux François, de n’estre pas arrestez par tant de mots dont on n’use plus maintenant, & qui ont quelquefois des significations assez belles, & des origines très-anciennes, mais qu’il est difficile d’entendre sans une longue méditation. Vous m’avez asseuré que ce travail ne sera pas inutile, & je me suis laissé flatter par cette espérance, d’autant plus aisément, qu'un excellent homme de l’antiquité nous enseigne, que ce n’en pas estre peu heureux que de pouvoir donner la nouveauté aux choses la lumiere aux obscures, l’agrément à celles qui ont déplû, & en un mot, de ressusciter, s’il faut ainsi dire , celles qui estoient comme ensevelies dans les ténébres de l’oubly. Mais quelque utile que puisse estre mon Livre, je ne m’attends pas qu’il soit approuvé de tout le monde , puisque c’est un avantage que les plus accomplis n’ont pû obtenir jusques icy ; de sorte qu’ayant besoin de protection contre l’injustice ou la malignité des sévéres Censeurs, dont nostre siécle n’est que trop remply, je ne pouvais avoir recours à une plus puissante , ni plus asseurée que la vostre, que vous ne refusez jamais à ceux qui aiment les Lettres & la vertu. Je me promets donc, MONSIEUR, que plusieurs qui vous verront estimer cet Ouvrage, ou l'estimeront à vostre exemple , ou du moins s’empescheront de le blâmer, pour n’estre pas d’un autre sentiment que vous. Car il y a de la gloire à imiter un homme judicieux & sincere, dont l’inclination est toujours portée à favoriser ce qui est louable , & à excuser ce qui a quelque défaut. Je suis témoin que c’est ainsi que vous agissez, m’ayant donné souvent des avis très-salutaires, & dont j'ay avantageusement profité, & laissé puiser dans votre curieuse Bibliothéque, qui est une source féconde de Livres rares imprimez & manuscrits, tout ce qui m’a été nécessaire pour la composition, non-seulement de cet Ouvrage, mais aussi de plusieurs


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