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tomba à la renverse, et son sang généreux rejaillit sur les grenadiers. Avant de lui percer le cœur, la balle avait fait un long éclat à la monture de son fusil. Effet fréquent de la mort par les armes à feu, on aurait dit qu’il dormait d’un bon sommeil, tant sa figure paraissait sereine et presque rayonnante.

Cet intrépide sous-officier était un homme de trente à trente-cinq ans, d’une taille moyenne, bien pris, brun, sans barbe ni moustaches, comme les soldats de son pays. Pauvre Anglais ! dont le sort était de venir mourir dans une oasis du Sahara, à côté d’un neveu du plus grand ennemi de sa grande nation !

Sa fin produisit une pénible impression, et l’ennemi ne semblait pas se ralentir. Mais, sur la lisière de la forêt, M. le colonel de Barral opérait une puissante diversion. Ses obus, longeant notre ligne et sifflant à travers les palmiers, tombaient et éclataient parmi les Arabes. Dans la plaine, un de ses échelons, formé du bataillon de zouaves du commandant de Laurencez, était arrivé à trois cents mètres de nous. Les ennemis nous pressant toujours, je me décidai à aller lui demander quelques hommes, pour appuyer mes grenadiers, qui continuaient bravement la défense de la butte où leur sergent venait d’être tué. Avec une courtoisie dont je lui suis redevable, M. de Laurencez [1] s’empressa de me donner quinze hommes avec un lieutenant, M. Sentupery. Ce jeune officier s’écria : En avant, c’est le poste d’honneur ! et nous courûmes renforcer ma ligne, où l’arrivée des zouaves produisit visiblement le meilleur effet. Sur mon indication, ces braves rejoignirent les

  1. M. de Laurencez, blessé à l’assaut de Zaatcha, est aujourd’hui lieutenant-colonel.