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Treveneuc, des Côtes-du-Nord, nous longeâmes les boulevards, où quelques rares piquets de gardes nationaux étaient sous les armes. Au-delà de la porte Saint-Martin, nous fûmes entourés d’une foule de citoyens appartenant à la classe ouvrière, et dont la plupart, j’en ai la conviction, étaient le lendemain derrière les barricades. L’accueil qu’ils nous firent, les poignées de main cordiales qu’ils nous donnèrent, leurs propos vifs et patriotiques, m’ont douloureusement prouvé une fois de plus que les meilleurs instincts peuvent être égarés, et que la guerre civile est le plus horrible des fléaux.

Les projectiles des insurgés arrivaient jusque sur le boulevard. Lamartine tourna résolument à gauche, et nous le suivîmes dans la rue du Faubourg-du-Temple, sous le feu de la barricade et des maisons occupées par nos adversaires. Arrivés sur les quais, nous vîmes un détachement de gardes mobiles et quelques compagnies d’infanterie repoussés avec perte jusqu’à la rue Bichat. Ce fut là, près du pont, que le cheval que je montais fut atteint d’une balle, à quelques pas de Lamartine, circonstance qui parut fixer favorablement l’attention de ce grand et courageux citoyen. Et certes, si le soir même il n’avait résigné ses pouvoirs, j’ai tout lieu de croire qu’il n’en aurait pas fallu davantage pour le porter à provoquer une décision touchant mon assimilation aux officiers qui servent au titre français.

Lamartine est un grand caractère ; je n’en veux pour preuve que les belles paroles que j’ai recueillies de sa bouche, le jour où nous nommâmes la Commission exécutive. « Si je voulais me séparer de Ledru-Rollin, nous dit-il, j’aurais deux cent mille hommes derrière moi ; mais je crains la réaction et la