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AVERTISSEMENT.


propre, et sa prononciation vicieuse : d'un autre côté ces mêmes artisans n'obéissent jamais mieux, ne vous trompent jamais moins que, lorsque dans les relations d'intérêt, on se sert de leurs expressions : parler comme eux, les comprendre, c’est les surveiller ; il est donc très-utile, même pour les personnes qui vivent dans les rangs supérieurs de la société, d'avoir sous la main un Dictionnaire qui leur indique 1’orthographe et la signification des mots usités par les Cultivateurs, les Artistes, les Artisans, les Ouvriers, qui, eux-mêmes, ne donneront pas une mauvaise opinion de leurs talens, s'il veulent recourir à cet ouvrage pour savoir comment s'écrivent les termes qu'ils emploient dans leurs mémoires.

Cet ouvrage n'eût pas offert le eorps complet de la langue, si je ne l'avois pas fait suivre de DICTIONNAIRES DES SYNONYMES ou Acceptions de la langue, des RIMES, de MYTHOLOGIE, des PERSONNAGE$ CÉLÈBRES, de GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE, que j'ai analysés des autres Dictionnaires, et des TRAITES particuliers de VERSIFICATION, de PONCTUATION, de CONJUGAISON DES VERBES, des PRINCIPALES DIFFICULTÉS DE LA LANGUE FRANÇOISE, et d'un ABRÉGÉ DE GRAMMAIRE en Tableau.

La langue françoise a des termes propres à elle seule pour désigner les êtres dont ils renferment la nomenclature. Les mots Jupiter, Pompée, Londres, ne s’écrivent pas de même dans les autres langues. Leur orthographe même peut embarasser. D’ailleurs j'avois l'exemple d'anciens Dictionnaires très-estimés, qui ont incorporé ces nomenclatures dans le corps même de l'ouvrage, ce que l'ordre et l'économie m'ont défendu de faire.

En un mot, je me suis dit, si les Anciens avoient eu des Dictionnaires rédigés sur le plan que j'ai suivi, et qu'un seul eût échappé à la jalousie des fanatiques barbares qui brûlèrent les bibliothèques pour qu'on ne lût que leurs livres religieux, ce Dictionnaire nous offriroit l'état des connoissances humaines à son époque : je suppose que, dans l'avenir, d'autres fanatiques brûlent encore la plupart des livres, et qu'un exemplaire de mon Dictionnaire leur échappe, il faut que la postérité puisse y retrouver l'état des connoissances humaines dans le siècle où je le rédige.

Et dusé-je encourir le reproche d'être enthousiaste des Dictionnaires, parce que j'en ai fait un, j'ose dire que celui qui se feroit une loi de lire chaque matin une page d'un bon Dictionnaire, aquéreroit une grande facililé pour rendre ses pensées et des connoissances très-étendues : quelqu'instruit qu'il pût être, cette lecture lui seroit encore très-utile, car la mémoire est une trésorière infidelle qui dissipe promptement les trésors qu'on lui a confiés, si chaque jour on ne lui en fait pas rendre compte.

J'ai exposé mon but, mes moyens pour y parvenir et les objets principaux de mon travail ; il faut, pour que l'on en connoisse mieux l'utilité, faire quelques applications.

Si, l'orsqu'on veut écrire un mot quelconque, on hésite sur son orthographe, ce qui arrive très-souvent, parce qu’en effet il y a plusieurs manières de l'écrire, par exemple les mots

Câpre, s. m. navire de corsaire. * Capre. A. c.

Coiffe, s. f. Capitis tegmen, couverture de tête ; membrane ; t. de bot. calice ; filet évasé, emmanché, à grandes mailles. * Coêfe. r. Coèffe. c. Coiffe. g. Coiffe ou Coeffe. a.

Coéfficient ; s. m. quantité connue qui multiplie. * Coëfficient. r. Coefficient. a. g. c. v.

Ermite, s. m. qui vit dans un désert ; solitaire. * (abusivement) Hermite. Eremus.

Exempt, exente. Adj. Immunis. Qui n’est point sujet à. * f. Exempte. A. c. g. r. v. co.

Foerre, Foare, Feurre. s. m. (vieux) longue paille du blé. * Foere. g. rr.

on voit, pour le mot câpre, qu'il ne faut pas mettre un â ; pour le mot coiffe, que cette manière est préférable, puisqu'il y a deux autorités ; pour le mot coéfficient, que l'é est inutile ; pour le mot ermite, qu'il ne faut point d' h, etc. Les autorités ordinaires qui ne sont pas citées sont d'accord avec l'Académie ; ainsi, au mot foerre, l' Académie, nouvelle édition, est seule d’avis différent.

Lorsque les auteurs sont partagés d'opinion, l'origine servira de guide.

Avoine, s. f. Avena. sorte de grain pour les chevaux. —blanche. —noire : pl. avoines sur terre. Aveine. c. v. ou Avaine. r.

Hippogriffe. s. m. Hyppogryphus. t. d’antiq. Cheval ailé. * Hippogriphe. r.

Prostaphérèse. s. f. Proshaphœresis. t. d’astronomie, différence entre le lieu moyen et le vrai. * Prosthaphérese.

Ces différences souvent très-grandes dans la manière d'écrire sont embarrassantes pour un étranger qui s'étant aperçu que le changement d'une seule lettre dans un mot, lui donne souvent un sens tout différent, et venant à trouver des mots écrits d'une manière autre que celle qu'il connoît, se trouve arrêté, ne supposant pas que ce soit le même : ici ces difficultés disparoissent ; les mots anégyraphe, anépigraphe ; beloeder, belvédère, belveder ; beril, bérylle ; moelle, moëlle, mouelle, sont les mêmes, écrits différemment.

Le poëte, embarrassé pour la rime ou la mesure, trouve des ressources dans ces différentes manières ; un mot y a plus ou moins de pieds, et la rime y est tour-à-tour masculine et féminine. Les autres objets d'utilité relatifs à la poësie sont exposés à l'article Wailly. J'ai rejeté le Néographisme inutile et bizarre de plusieurs lexicographea qui prétendent écrire comme on prononce, système qui nous rendroit illisibles toua les auteurs.

Après ce premier aperçu, je suppose que, sentant toute l'importance d'une orthographe régulière, basée sur les vrais principes, on désire s’en faire une, pour n’être pas en contradiction avec soi-même ; on en trouve un moyen facile dans ce Dictionnaire. On devra prendre, comme je l'ai fait l’Académie, ancienne