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Le Baron.

Quelle joie ! Elle m’aime, elle sent, elle pense !
Que j’ai mal jusqu’ici jugé de son silence !
Ah ! pourquoi si longtemps me cacher ces trésors,
Et les ensevelir sous de trompeurs dehors ?
Mais n’accusons que moi ; c’est ma faute, et ma vue
Devoit lire à travers cette crainte ingénue :
Je devois démêler son cœur et son esprit.
Je trouve mon arrêt dans ce qu’elle m’écrit ;
Et ces traits dont mon âme est confuse et ravie,
Font ma satire autant que son apologie.

Lucile.

Il est vrai.

Le Marquis, à part.

Il est vrai.Je jouis d’un plaisir tout nouveau,
Et l’on n’a jamais mieux donné dans le panneau.

Le Baron, au marquis qui s’avance.

Ah ! marquis, vous voilà, ma joie est accomplie.
C’est ici le moment le plus doux de ma vie.
Mon bonheur est au comble, et je viens de trouver
Tout ce qui lui manquoit, et qui peut l’achever.
Rien n’égale l’esprit de la beauté que j’aime.
Je veux que votre oreille en soit juge elle-même.
Écoutez ce billet que Lucile m’écrit ;
Il va vous étonner autant qu’il me ravit.

(Il lit.)

« Je sais qu’on me croit sans esprit ; mais ce n’est que pour vous seul que je voudrois en avoir ; et si je pouvois réussir à vous persuader que je suis aussi spirituelle que tendre, peu m’importeroit que le reste