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Mon cœur, autant par goût que par reconnoissance,
Va donc de ses secrets vous faire confidence.
Aux yeux de la comtesse il vient de se cacher ;
Mais il veut devant vous tout entier s’épancher.
Celle dont j’ai fait choix est jeune, belle, sage,
Et sa première vue obtient un prompt hommage.
Il n’est point de regard aussi doux que le sien.
Elle a de la naissance, elle attend un grand bien.
Ce qui doit à mes yeux la rendre encor plus chère,
Une longue amitié m’unit avec son père.

Le Marquis.

Que de biens réunis ! Je puis présentement
Vous témoigner combien…

Le Baron.

Vous témoigner combien… Arrêtez ; doucement.
Vous croyez, sur les dons que je viens de décrire,
Qu’il ne manque plus rien au bonheur où j’aspire.
Détrompez-vous, marquis ; apprenez qu’un seul trait
En corrompt la douceur, et gâte le portrait.
Cet objet si charmant dont mon âme est éprise,
Sous un dehors flatteur cache un fond de bêtise.
Je ne sais de quel nom je le dois appeler :
C’est un être qui sait à peine articuler ;
Triste sans sentiment, rêveuse sans idée,
C’est par le seul instinct qu’elle paroît guidée.
Dans le temps qu’elle lance un coup d’œil enchanteur,
Un silence stupide en dément la douceur.
D’aucune impression son âme n’est émue,
Et je vais épouser une belle statue.