Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voies lâches, et qui lui veulent souvent faire un crime affreux d’une élégance poétique. Il est bien aise aussi de faire savoir dans cette édition que le nom de Scutari, l’heureux Scutari, ne veut dire que Scutari ; bien que quelques-uns l’aient voulu attribuer à un des plus fameux poètes de notre siècle[1], dont l’auteur estime le mérite et honore la vertu.

J’ai charge encore d’avertir ceux qui voudront faire des satires contre les satires, de ne se point cacher. Je leur réponds que l’auteur ne les citera point devant d’autre tribunal que celui des Muses : parce que, si ce sont des injures grossières, les beurrières lui en feront raison ; et si c’est une raillerie délicate, il n’est pas assez ignorant dans les lois pour ne pas savoir qu’il doit porter la peine du talion. Qu’ils écrivent donc librement : comme ils contribueront sans doute à rendre l’auteur plus illustre, ils feront le profit du libraire ; et cela me regarde. Quelque intérêt pourtant que j’y trouve, je leur conseille d’attendre quelque temps, et de laisser mûrir leur mauvaise humeur. On ne fait rien qui vaille dans la colère. Vous avez beau vomir des injures sales et odieuses, cela marque la bassesse de votre âme, sans rabaisser la gloire de celui que vous attaquez ; et le lecteur qui est de sens froid[2] n’épouse point les sottes passions d’un rimeur emporté.

Il y auroit aussi plusieurs choses à dire touchant le

  1. Georges Scudéri.
  2. Boileau, dans les éditions faites sous ses yeux, a écrit de sens froid, et non de sang-froid.