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qui est encore plus surprenant. Il faisait la guerre à Chapelle sur son ivrognerie. Chapelle se contentait de secouer les épaules, et buvait de plus belle. Boileau le rencontre un jour dans la rue, et recommence sa mercuriale. « Vous avez assez raison, dit Chapelle. Mais il fait froid, nous sommes debout. Entrons ici, vous parlerez plus à votre aise.» Il le conduit au cabaret, où l’éloquence de Boileau se donna carrière, jusqu’à ce que l’ouaille et le prédicateur fussent complètement gris.

Ces anecdotes, et beaucoup d’autres du même genre, qui traînent dans le Bolæana ou dans les notes de Brossette, ne peuvent que défrayer une curiosité banale, et ne nous apprennent rien sur le caractère de Boileau. Il vaut mieux se rappeler sa noble conduite lorsqu’à la mort de Colbert la pension de Corneille fut supprimée. Voici deux traits du même genre qui achèvent de peindre cette nature droite et généreuse, quoique peu expansive. Il ne pouvait voir un homme de lettres dans la peine, et si Colbert ou le roi lui manquaient, il secourait de sa bourse tous ceux dont il connaissait les embarras. C’est ainsi qu’il tira du besoin Cassandre, traducteur de la Rhétorique d’Aristote. Linière ne se fit pas faute de s’adresser à Boileau, et Boileau, qui ne l’aimait pas, et qui fit bonne justice de ses vers, ne lui refusa jamais un secours. Linière allait boire cet argent au cabaret, et sur un coin de la table griffonnait une chanson sur son créancier. Patru, le célèbre avocat, se trouva un jour sans ressources, et réduit à vendre