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Ne m’ôte pas l’honneur d’élever un pupitre ;
Et toi-même, donnant un frein à tes désirs,
Raffermis ma vertu qu’ébranlent tes soupirs.
Que te dirai-je enfin ? c’est le ciel qui m’appelle.
Une église, un prélat m’engage en sa querelle.
Il faut partir : j’y cours. Dissipe tes douleurs,
Et ne me trouble plus par ces indignes pleurs. »
EtIl la quitte à ces mots. Son amante effarée
Demeure le teint pâle, et la vue égarée ;
La force l’abandonne ; et sa bouche, trois fois
Voulant le rappeler, ne trouve plus de voix[1].
Elle fuit, et, de pleurs inondant son visage,
Seule pour s’enfermer vole au cinquième étage ;
Mais, d’un bouge prochain accourant à ce bruit,
Sa servante Alison la rattrape et la suit.
SaLes ombres cependant, sur la ville épandues,
Du faîte des maisons descendent dans les rues :
Le souper hors du chœur chasse les chapelains,
Et de chantres buvans les cabarets sont pleins.
Le redouté Brontin, que son devoir éveille,
Sort à l’instant, chargé d’une triple bouteille
D’un vin dont Gilotin, qui savoit tout prévoir,
Au sortir du conseil eut soin de le pourvoir.
L’odeur d’un jus si doux lui rend le faix moins rude,
Il est bientôt suivi du sacristain Boirude ;
Et tous deux, de ce pas, s’en vont avec chaleur
Du trop lent perruquier réveiller la valeur.
« Partons, lui dit Brontin : déjà le jour plus sombre,
Dans les eaux s’éteignant, va faire place à d’ombre.

  1. Dans les premières éditions, Boileau avait parodié ici tout le passage où Virgile décrit dans son Énéide les amours de Didon et d’Énée. Mais sur les conseils de ses amis il a sacrifié le passage à des scrupules de bon goût.