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Plus par vos actions songez à l’arrêter.
Mais ne soutenez point cet horrible blasphème,
Qu’un sacrement reçu, qu’un prêtre, que Dieu même,
Quoi que vos faux docteurs osent vous avancer,
De l’amour qu’on lui doit puissent vous dispenser.
« Mais s’il faut qu’avant tout, dans une âme chrétienne,
Diront ces grands docteurs[1], l’amour de Dieu survienne,
Puisque ce seul amour suffit pour nous sauver,
De quoi le sacrement viendra-t-il nous laver ?
Sa vertu n’est donc plus qu’une vertu frivole. »
Oh ! le bel argument digne de leur école !
Quoi ! dans l’amour divin en nos cœurs allumé,
Le vœu du sacrement n’est-il pas renfermé ?
Un païen converti, qui croit un Dieu suprême,
Peut-il être chrétien qu’il n’aspire au baptême,
Ni le chrétien en pleurs être vraiment touché
Qu’il ne veuille à l’église avouer son péché ?
Du funeste esclavage où le démon nous traîne
C’est le sacrement seul qui peut rompre la chaîne :
Aussi l’amour d’abord y court avidement ;
Mais lui-même il en est l’âme et le fondement.
Lorsqu’un pécheur, ému d’une humble repentance,
Par les degrés prescrits court à la pénitence,
S’il n’y peut parvenir, Dieu sait les supposer.
Le seul amour manquant ne peut point s’excuser :
C’est par lui que dans nous la grâce fructifie ;
C’est lui qui nous ranime et qui nous vivifie ;
Pour nous rejoindre à Dieu, lui seul est le lien ;
Et sans lui, foi, vertus, sacremens, tout n’est rien.
A ces discours pressans que sauroit-on répondre ?
Mais approchez ; je veux encor mieux vous confondre,
Docteurs. Dites-moi donc : quand nous sommes absous,

  1. Les Jésuites.