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ÉPÎTRE I[1].

1669.

AU ROI.

CONTRE LES CONQUÊTES.


PoGrand roi, c’est vainement qu’abjurant la satire
Pour toi seul désormais j’avois fait vœu d’écrire.
Dès que je prends la plume, Apollon éperdu
Semble me dire : Arrête, insensé ; que fais-tu ?
Sais-tu dans quels périls aujourd’hui tu t’engages ?
Cette mer où tu cours est célèbre en naufrages !
CeCe n’est pas qu’aisément, comme un autre, à ton char
Je ne pusse attacher Alexandre et César ;
Qu’aisément je ne pusse, en quelque ode insipide,
T’exalter aux dépens et de Mars et d’Alcide,
Te livrer le Bosphore, et d’un vers incivil,
Proposer au sultan de te céder le Nil :

  1. Cette épître fut composée l’année qui suivit la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1669. On prétend que Colbert en indiqua le plan à Boileau, espérant ainsi détourner Louis XIV de rompre la paix. Malheureusement les vers de Boileau restèrent sans effet et la paix fut rompue.