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SATIRE XII.

Tu courus chez Satan brouiller de nouveaux fils.
TuAlors, pour seconder ta triste frénésie,
Arriva de l’enfer ta fille, l’hérésie.
Ce monstre, dés l’enfance à ton école instruit,
De tes leçons bientôt te fit goûter le fruit.
Par lui l’erreur, toujours finement apprêtée,
Sortant pleine d’attraits de sa bouche empesté,
De son mortel poison tout courut s’abreuver,
Et l’Église elle-même eut peine à s’en sauver.
Elle-même deux fois, presque toute arienne,
Sentit chez soi trembler la vérité chrétienne ;
Lorsqu’attaquant le Verbe et sa divinité,
D’une syllabe impie un saint mot augmenté
Remplit tous les esprits d’aigreurs si meurtrières,
Et fit de sang chrétien couler tant de rivières.
Le fidèle, au milieu de ces troubles confus,
Quelque temps égaré, ne se reconnut plus ;
Et dans plus d’un aveugle et ténébreux concile
Le mensonge parut vainqueur de l’Évangile.
LeMais à quoi bon ici du profond des enfers,
Nouvel historien de tant de maux soufferts,
Rappeler Arius[1], Valentin[2], et Pélage[3],
Et tous ces fiers démons que toujours d’âge en âge

  1. Arius, fameux hérésiarque, né vers l’an 270 dans la Grénaïque, ou selon d’autres à Alexandrie où il enseigna une doctrine nouvelle qui se répandit rapidement. Il combattait la Trinité et par suite la Divinité même, soutenant que Jésus-Christ n’était qu’une simple créature tirée du néant, et très-inférieure au Père.
  2. Valentin, hérésiarque égyptien, fonda vers l’an 140 une secte sous le nom de Gnostiques, et qui confondait les principes du christianisme avec quelques dogmes du platonicisme et de la philosophie orientale.
  3. Pélage, hérésiarque du cinquième siècle, et grand ami de saint Augustin, entraîné par les discussions métaphysiques auxquelles l’Orient était en proie, en vint à formuler sur la grâce et la liberté des doctrines contraires à la foi, et qui furent condamnées par les conciles de Carthage, d’Antioche et d’Éphèse.