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SATIRE VII.

1663.

SUR LE GENRE SATIRIQUE.


C’Muse, changeons de style, et quittons la satire ;
C’est un méchant métier que celui de médire ;
À l’auteur qui l’embrasse il est toujours fatal :
Le mal qu’on dit d’autrui ne produit que du mal.
Maint poëte, aveuglé d’une telle manie,
En courant à l’honneur, trouve l’ignominie ;
Et tel mot, pour avoir réjoui le lecteur,
A coûté bien souvent des larmes à l’auteur.
A Un éloge ennuyeux, un froid panégyrique,
Peut pourrir à son aise au fond d’une boutique,
Ne craint point du public les jugemens divers,
Et n’a pour ennemis que la poudre et les vers :
Mais un autre malin, qui rit et qui fait rire,
Qu’on blâme en le lisant, et pourtant qu’on veut lire,
Dans ses plaisans accès qui se croit tout permis,
De ses propres rieurs se fait des ennemis.
Un discours trop sincère aisément nous outrage :
Chacun dans ce miroir pense voir son visage ;
Et tel, en vous lisant, admire chaque trait,
Qui dans le fond de l’âme et vous craint et vous hait.