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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. III. IST XXIII

— Je suis complètement de l’avis de Platon, dis-je, car tu me fais souvenir de choses que j’avais par deux fois oubliées : d’abord, quand ma mémoire s’est altérée au contact de ce corps terrestre, puis, quand je l’ai tout à fait perdue, succombant moi-même au poids de mes chagrins. — Eh bien, reprit-elle, si tu réfléchis aux propositions que tu viens de m’accorder, tu ne tarderas pas à te rappeler une chose que, de ton aveu, depuis bien longtemps tu ne sais plus. — Qu’est-ce donc ? demandai-je. — Je veux parler des ressorts qui font mouvoir ce monde. — Je me souviens, répondis-je, quej’ai confessé mon ignorance à cet égard ; mais bien que je soupçonne déjà ce que tu vas dire, je désire l’entendre plus explicitement de ta bouche. — Il ·n°y a quiun instant, reprit-elle, tu ne faisais nul doute que le monde fût gouverné par la Providence. — A présent encore, répondis-je, je n’en doute pas, et je n’en douterai jamais ; et les motifs de ma conviction je vais les exposer en quelques mots. Ce monde, formé d’éléments si divers et si antipathiques les uns aux autres, ne se serait jamais constitué en un seul corps, si une intelligence unique niavait pris soin de réunir ces forces opposées ; et cette union miême, combattue par tant de causes réciproquement contraires et hostiles, ne tarderait pas à se rompre et à se dissoudre, si la même intelligence qui l’a formée ne prenait à tâche de la maintenir. La nature ne procéderait pas avec un ordre aussi constant, ses mouvements ne seraient pas aussi réguliers en ce qui touche les cli-