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la suite de tristesses domestiques et d’une honte atroce, dont elle est innocente, fuit la maison paternelle, veut gagner seule sa vie, plonge au fond de la misère, se débat au milieu d’autres infortunées, et disparaîtrait dans le gouffre, sans la remontre d’une amitié qui devient un amour ; mais toujours ravagée par l’idée fixe de la honte passée (en partie imaginaire), incapable de l’avouer à celui qu’elle aime, et plus incapable encore, dans sa loyauté, de la lui cacher, elle se tue, à la veille de son mariage avec lui. Impossible de rendre, en cette sèche analyse, la beauté frémissante de cette âme de jeune fille, silencieuse, solitaire, sensitive, constamment froissée, tendre, aimante, constamment menacée, qui reste naïve et pure, au milieu de quelle vie ! et qui meurt « pour rien », comme dit un personnage, « parce qu’il y a la fausse pudeur, nos conventions, nos préjugés », parce que surtout elle a celte admirable fierté des grandes âmes féminines, celte flamme aristocratique qui brûle dans les cœurs les plus misérables et les plus humiliés.

Et, plus encore que la petite héroïne, la peinture du milieu où elle vit atteste la maîtrise de l’artiste. Vaste tableau, impassible et