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plus facile de s’exagérer la misère que de la sentir avec vérité, La misère est un visage familier à Simone Bodève ; elle l’a vu de près. Elle ne songe pas à s’indigner. Elle ne s’attendrit jamais. Elle ne s’étonne même point. C’est ainsi : c’est ainsi ; on n’y changera rien, avec des déclamations de tribun, ou des larmes à la Diderot. Il s’agit de voir, de voir exactement, et de dire ce qu’on voit, Après, on avisera. — Je ne connais pas d’intelligence de femme plus saine, plus lucide. Elle a le bon sens français et le sens du réel ; et elle possède aussi cette vaillance naturelle des braves gens de chez nous, qui ne se fait point d’illusion sur ses ennemis, — ni sur ses amis, et qui n’en garde pas moins son optimisme intact et son énergie entière. Cette bravoure se relève d’une pointe de calme ironie, qui perce à jour les mensonges, les petites vanités, et ses propres erreurs, — « cette gouaillerie légère du peuple de Paris », qui le sauve de toute amertume. De plus, elle appartient à cette espèce nouvelle qui, depuis vingt à trente ans, se forme parmi l’élite populaire et bourgeoise de toutes les grandes villes d’Europe, — ces hommes et ces femmes, sur qui ne pèse plus aucune superstition, laïque ou religieuse,