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assez de garçons, dont plusieurs eussent été à sa convenance ». On sait les réflexions usitées en semblables circonstances.

Vers le soir, tout était fini. Le maître d’école avait écrit le contrat ; les témoins et les parents y souscrivirent trois croix au lieu de leurs signatures ; le maître d’école fut obligé d’y ajouter leurs noms ; et Victoire promit à Antoine, la main dans la main, de devenir sa femme dans trois semaines. Le jour suivant, les compagnes de Victoire vinrent lui adresser leurs félicitations, et quand elle passait sur la place du village, on la saluait de partout : « Que Dieu te bénisse, notre fiancée ! » Mais quand les jeunes gens lui disaient : « C’est bien dommage que tu nous quittes ; pourquoi t’en vas-tu, Victoire ? » alors les larmes lui montaient aux yeux.

Elle fut plus gaie pendant plusieurs jours ; et quand elle était obligée d’aller plus loin que le village, elle partait sans craintes, depuis qu’elle avait reçu de la maréchale une sorte de scapulaire, et qu’elle était fiancée. Il lui semblait qu’elle n’avait plus peur, et elle en remerciait le bon Dieu, ainsi que la femme du forgeron qui lui avait donné si bon conseil. Toutefois sa joie ne devait pas être de longue durée.

Un soir qu’elle était assise avec son fiancé dans le verger, et qu’ils parlaient de leur noce et de leur futur ménage, voici que tout-à coup Victoire se tait ; ses yeux s’étaient fixés sur un buisson et sa main tremblait. « Qu’as-tu donc ? » lui demande son fiancé surpris.