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est libre d’aller où il veut, et chez qui il veut ; que du reste il ne m’a point encore dit qu’il m’aime, pour que j’aie le droit de lui faire dire que je n’en veux pas. »

« Voyez-vous cet insolent ! dirent les filles toutes fâchées. Et à quoi pense-t-il donc ? Nous devrions nous venger ! »

« N’entreprenez rien contre lui, dirent les plus sensées, car il pourrait bien vous ensorceler. » « Eh ! que pourrait-il nous faire ? Pour nous nuire, il lui faudrait avoir de nous quelque chose qui eut été à notre usage. Or, aucune de nous ne lui donne rien, et ne voudrait rien recevoir de lui non plus. Qu’avons-nous à craindre ? N’aie pas peur, Victoire, nous t’accompagnerons partout, et ce diable verra une bonne fois ce que nous lui ferons, » s’écrièrent plusieurs filles des plus courageuses.

Mais Victoire, plus effrayée, regarda tout autour d’elle, et loin de se trouver consolée qu’elles prissent ainsi fait et cause pour elle, soupira en disant : « Si seulement le bon Dieu m’aidait à porter cette croix ! »

Ce que Victoire avait confié aux filles ne resta pas dans le mystère ; cela se répandit bien vite, et jusque dans le village voisin. Quelques jours après un homme de ce village arrivait à la ferme du père de Victoire. On causa d’abord de choses indifférentes ; puis, cet entremetteur finit par déclarer au fermier que son voisin souhaiterait marier son fils avec Victoire qu’il aimait ; il était chargé expressément, disait-il, de venir demander si l’on consentait, oui ou non, aux fiançailles.