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raconte, mon très-cher ! raconte, le temps passe bien vite. »

« Maman, je t’en prie, donne-nous encore du pain ; nous n’en avons plus, » vint dire à la porte une petite voix, celle de Barthélemi.

Mais il n’est pas possible que les enfants aient déjà tout mangé ! » dit grand’mère tout étonnée.

« Ils en ont mangé une moitié, et donné l’autre aux chiens, à la biche, aux écureuils ; c’est toujours comme cela. Ah Dieu ! Qu’ils me fâchent souvent ! » dit en soupirant la femme du chasseur, mais en leur coupant à nouveau du pain.

Pendant qu’elle sortait pour le distribuer aux enfants et remettre sa petite fille aux soins de la bonne ; et que monsieur le chasseur bourrait sa pipe, grand’mère disait : « Mon mari défunt, que Dieu lui donne le repos éternel ! avait aussi cette coutume qu’avant de commencer un récit, il lui fallait avoir sa pipe prête » ; et à ce souvenir, les yeux de grand’mère brillèrent d’un plus vif éclat.

« Je n’y comprends rien ; mais tous nos hommes ont cette mauvaise habitude, » dit la femme du chasseur, qui du pas de la porte avait entendu les dernières paroles de grand’mère.

« Allons ! Fais encore semblant de n’en être pas contente ! » répliqua le chasseur en allumant sa pipe ; « c’est toi-même qui m’apportes du tabac de la ville. »

« Mais qu’est-ce qu’on ne doit pas faire, si l’on veut vous contenter ? Oui, il faut faire tout ce qu’on lit dans vos yeux. Commence donc ton récit ! » dit la ménagère en s’asseyant devant son rouet, à côté de grand’mère.