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« Et qu’avais-je à lui en dire sinon qu’elle est folle, mais qu’elle ne fait de mal à personne ? »

« Mais elle, qu’a-t-elle répondu ? »

« Elle s’est établie sur le gazon, et le prince s’est assis à ses pieds ; ils m’ont ordonné de m’asseoir auprès d’eux, et de leur raconter tout ce que je savais de la folie de Victoire, et comment elle est devenue insensée. »

« Et tu as été content d’en faire le récit, n’est-ce pas ? » dit la femme du chasseur en souriant.

« Tu le sais, ma femme : qui ne serait content de servir une si belle dame ? Notre princesse n’est plus, après tout, si jeune ; et elle est diantrement belle. Mais que devais-je faire ? il fallait bien raconter ce que je savais. »

« Vous vous moquez du monde, mon bon compère ! voilà deux ans, depuis mon arrivée ici, que vous me promettez de me dire les causes de la folie de Victoire, et jusqu’à présent, vous n’avez pas tenu votre promesse. Je ne suis pas une belle dame ; donc, je ne peux pas vous commander ; aussi je crois que je n’apprendrai jamais cette histoire, n’est-ce pas ? »

« Oh ! grand’mère, vous m’êtes plus chère que la plus belle dame du monde ! Si vous vouliez m’écouter, je serais prêt à vous raconter l’histoire tout de suite. »

« Quand le compère s’en mêle, il sait tout adoucir avec des coussins couverts de soie, » dit en riant grand’mère. « Si cela convient à madame, je vous invite à parler. Les vieillards sont comme les enfants, vous le savez bien vous-même : ils aiment les histoires. »

« Je ne suis pas encore âgée, et j’aime aussi à en entendre, » répondit la femme du chasseur. Allons,