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le diable… ! N’a-t-on pas sujet de se fâcher, quand on voit qu’un lourdaud — qui ne sait rien faire que se tenir debout, derrière la voiture, comme une marionnette en bois, ou assis dans une antichambre, — est payé autant moi, et qu’on le compte pour plus que moi, qui suis obligé de courir dans les bois, par la pluie, la boue et la neige, de batailler jour et nuit avec les braconniers, d’être partout et de veiller à tout ? Ce n’est pas que je me plaigne, car je me trouve même heureux ; mais quand ce faiseur d’embarras vient par ici mettre le nez, je lui donnerais…, sur mon honneur… ! mais c’est en vain que je me fâche. » Et le chasseur prit son verre de bière qu’il vida d’un trait.

« Je voudrais bien savoir si madame la princesse connaît ce qui se passe. Pourquoi n’a-t-on pas le courage de lui faire savoir quand on fait du tort à quelqu’un ? » demanda grand’mère.

« Je lui parle souvent, et je pourrais bien encore lui dire ceci ou cela ; mais je me pense toujours : mon François, il vaut mieux te taire, car tout l’inconvénient d’avoir parlé pourrait retomber sur toi. Puis, elle ne serait pas obligée de me croire ; elle pourrait s’informer près de ceux qui sont mieux placés que moi — et tout serait fini. Ils se tiennent tous ensemble, la main dans la main. Je lui ai parlé, néanmoins, il y a quelques jours ; elle se promenait dans la forêt avec le prince étranger qui est ici chez elle. Ils ont rencontré quelque part Victoire, et ils me demandaient qui elle était ; la princesse en était toute effrayée. »

« Et que vous lui en avez vous dit ? » demanda grand’mère.