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eux, à ne pas s’entendre parler ! » et il se fâchait contre ses chiens. Grand’mère fit son entrée dans la maison de chasse, où se trouvaient fixées, en dehors, et au-dessus de la porte, de puissantes ramures de cerf. À l’intérieur, plusieurs fusils étaient suspendus à la muraille, mais hors de l’atteinte des enfants. C’est qu’elle avait grand peur des fusils, grand’mère, même quand ils n’étaient pas chargés ; et c’était ce qui faisait bien aussi un sujet de risée pour le chasseur. « Mais, lui répliquait-elle, peut-on savoir ce qui en arriverait ? le diable ne dort jamais ! »

« C’est vrai ! » répondait le chasseur. « Quand Dieu le permet, le coup part. »

Elle accordait au chasseur de la plaisanter, pourvu qu’en sa présence il ne prît point en vain le nom de Dieu, et qu’il ne jurât pas ; ce qu’elle n’aurait point supporté d’entendre. Dans ce cas, elle se bouchait aussitôt les oreilles en disant : « À quoi sert d’avoir une telle langue, sinon pour qu’après votre départ on doive répandre de l’eau bénite ? » Monsieur le chasseur aimait grand’mère, et il prenait bien garde d’introduire, dans ses discours, le diable qui, disait-il, pouvait quelquefois s’y glisser.

« Et où est donc votre femme ? » demanda grand’mère, tout en entrant dans la pièce principale où ne se trouvait alors personne.

« Asseyez-vous d’abord ; je vais l’appeler, dit-il. Vous savez qu’elle se balance comme une poule entre ses poussins » ; et ce disant, il sortit pour l’aller chercher. Les garçons restaient debout devant les râteliers où reluisaient les fusils et les couteaux de chasse ; les filles jouaient avec la biche, qui était