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« Vous pouvez vous faire une idée de ce qu’elle ressentit. Mais vous ne seriez pourtant pas autant embarrassés, parce que vouz avez l’ouïe et la parole qui lui manquaient à la fois. Elle courait de ci, de là, s’égarant toujours davantage. Elle finit par avoir une faim dévorante et aussi grand’soif ; puis les pieds lui faisaient mal. Mais tout cela n’était rien en comparaison de la frayeur dont elle se trouva saisie, à la tombée de la nuit, en pensant aux bétes féroces, et tout en demeurant dans une crainte poignante que ses parents ne fussent bien fâchés contre elle. Toute effarée et toute en larmes, elle arriva pourtant à une source dont elle but de l’eau fraîche. Puis, jetant les yeux alentour, elle remarqua deux petits sentiers battus ; mais la pauvrette ne savait lequel suivre ; car l’égarement de cette course folle n’était pas fait pour lui apprendre que le moindre sentier mène à la maison. Cependant, elle se souvint que sa mère, alors que celle-ci s’était trouvée sous le coup de frayeurs et de craintes, rentrait dans sa chambre pour prier. La pauvre fillette s’agenouilla aussi, et demanda au bon Dieu de la faire sortir du bois.

« Tout à coup, elle entend un son étrange ; d’abord, le bruit est sourd ; puis, de plus en plus distinct à ses oreilles ; enfin, très-clair. Elle ne savait ce que ce pouvait être, n’ayant pas l’idée des sons. Elle tremblait et pleurait de peur ; elle allait s’enfuir, lorsqu’elle voit sortir du bois, et s’engager dans le petit sentier, pour accourir à elle, d’abord un mouton blanc, puis un autre par derrière le premier ; puis, un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième, et plusieurs autres, jusqu’à ce que tout le troupeau se trouvât ras-