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l’empereur ; et cela veut dire beaucoup. J’ai entendu dire que, quand on regarde l’empereur en face, on a chaud et froid tout ensemble. Notre conseiller municipal lui a parlé deux fois déjà, et il nous a dit la même chose.

« Probablement que votre conseiller municipal n’a pas bonne conscience, et qu’il ne peut pas supporter le regard d’autrui, dit l’étranger, tout en écrivant quelque chose sur un petit billet. Il remit ce billet à marraine, en lui commandant d’aller à Ples, au Magasin militaire, et d’y montrer le billet contre lequel on lui remettrait de l’argent.

Et à moi, il me donna la pièce d’argent en disant : « Garde-la comme souvenir de l’empereur Joseph et de sa mère. Prie pour lui ; car la prière d’un cœur fervent est agréable à Dieu. Quand vous serez de retour chez vous, vous pourrez dire que vous avez parlé à l’empereur Joseph ! » Et il s’éloigna fort vite.

Nous nous mîmes à genoux, ne sachant que faire, de terreur et de joie. Marraine commença par me gronder d’avoir été si hardie, encore qu’elle-même l’eût été assez comme cela. Et qui donc, à notre place, eut pensé que c’était l’empereur ? Nous nous consolâmes pourtant par la pensée que, s’il eut été mécontent de nous, il ne nous aurait pas fait des présents. Au magasin, on compta à marraine trois fois plus d’argent qu’elle n’en demandait pour la couverture. Nous revînmes au pays presque en volant ; et quand nous fûmes rentrées, nous ne pouvions en finir avec notre histoire, car tous enviaient notre bonheur. Ma mère m’a fait percer l’écu que, depuis ce temps, je porte au cou. J’ai traversé