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d’un petit chapeau à trois cornes, c’est le nom ; et une queue, avec un nœud, lui pendait sur la nuque. C’était un homme encore jeune, et beau à peindre. « Où allez-vous ? et qu’est ce que vous portez là ? » demanda-t-il en s’arrêtant devant nous. Marraine lui répondit qu’elle portait à Ples de l’ouvrage à vendre.

« Quelle espèce d’ouvrage ? » poursuivit-il.

« Des couvertures de laine, mon jeune monsieur ; des couvertures pour les soldats ; peut-être vous conviendrait-il d’en prendre une ? » dit Novotna, tout en dénouant vite le paquet, afin d’en étaler une par-dessus les bois. C’était une très brave femme que marraine ; mais, dès qu’il s’agissait de vendre, une terrible causeuse.

« Est-ce ton mari qui les a faites ? » demanda encore le monsieur.

« Il en faisait !… Il en faisait, mon cher monsieur ! mais il y aura à la moisson deux ans qu’il a cessé d’en faire. Il est mort de phtisie. Mais j’avais regardé quelquefois comme il travaillait ; et j’ai appris à tisser, ce qui m’est, à présent, d’une grande utilité. Je dis toujours à Madeleine : Apprends, Madeleine, apprends ; on ne pourra te voler ce que tu auras appris ! »

« C’est ta fille ? » demanda encore l’étranger.

« Elle n’est pas à moi ; c’est la fille de ma marraine ; mais elle m’aide quelquefois. Ne regardez pas à sa petite taille ; mais elle est forte et ardente au travail. Elle a fait toute seule cette couverture. » L’étranger me frappa légèrement sur l’épaule, en me regardant avec bonté. Je n’ai jamais vu d’aussi beaux yeux bleus ; c’était la nuance des bluets.