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leur faire plaisir. Cécile, qui avait déjà dix ans, donnait d’abord un peu de son gâteau au petit enfant qu’elle tenait sur les bras ; puis, après l’avoir déposé sur le gazon, elle jouait avec les autres ; ou bien encore faisant de petits ouvrages de vannerie, elle tressait des chapeaux pour les garçonnets, de petits paniers pour leurs sœurs. Quand les enfants avaient joué jusqu’à en être fatigués, tout leur écheveau, bien emmêlé rentrait dans la cour, et déjà Marie criait de loin à sa mère que tous avaient une faim terrible. La meunière qui n’en était pas étonnée leur donnait à manger à tous, même à ceux pour qui elle avait ressenti du dégoût. Le meûnier, pour la contrarier un peu, se faisait un malin plaisir de lui redire à la vue des enfants de Kudrna : « La poitrine me fait si mal. Comment donc, Cécile, n’avez-vous pas un morceau de lièvre à la maison ? Ça me guérirait peut-être… tu pourrais… »

Mais la meûnière crachait et s’en allait. Alors grand’mère, menaçant du doigt le meûnier, lui disait : « C’est bon ! C’est bon ! Vous en faites un de farceur. Si j’étais la meûnière, je ferais, ma foi ! cuire une corneille, et je vous la servirais avec des pois verts ! » Le meûnier retournait sa tabatière entre ses doigts, clignait d’un œil, et reprenait son air malicieux.

Quand les anciens étaient assis dans le petit jardin, le maître-garçon du moulin venait aussi s’y établir auprès d’eux ; et là, on s’entretenait de la messe du matin, du sermon, des annonces faites au prône ; on nommait ceux pour qui le prêtre avait récité des prières ; on disait qui l’on avait vu à la messe ; puis on parlait des semailles, des inondations, de la grêle, du tissage et