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Mais la meûnière interrompant la fillette : « Va-t’en ! va-t’en ! » lui dit-elle « j’en ai déjà le frisson de ce que tu dis là ! Et toi, Marie, ma méchante fille, ne t’avise plus jamais de manger du lièvre dans la famille Kudrna. Va te laver tout de suite, et ne m’apporte rien que tes mains aient touché. » Et ce fut ainsi que s’exprima la meûnière, en mettant Cécile à la porte.

Marie se prit à pleurer, tout en assurant à sa mère que le lièvre était bon ; mais la meûnière se mit à cracher coup sur coup. Le meûnier arriva et apprenant ce qui s’était passé, il tourna la tabatière entre ses doigts en disant : « Pourquoi vous tant fâcher, ma chère femme ? Qui sait ? Marie en deviendra peut-être plus grasse ! On ne dispute pas des goûts. Qui sait si moi-même je ne mangerais pas de l’écureuil ? »

« Allez-vous en avec toutes vos sornettes et ne me dites pas des choses pareilles ! » fit la meûnière fâchée.

Mais son mari cligna de l’œil et se prit à sourire.

Ce n’était pas que la meûnière, c’était aussi d’autres personnes qui avaient pris en dégoût la famille Kudrna. On ne leur aurait pas touché la main et pour le seul motif qu’ils mangeaient des écureuils dont personne ne veut. Mais pour les enfants, il leur était parfaitement indifférent que ceux de Kudrna eussent eu à dîner des pâtés de faisans plutôt que des corneilles, il leur suffisait de les retrouver derrière la grange pour jouer avec eux. Ils partageaient fidèlement avec eux aussi leurs gâteaux et tout ce qu’ils avaient, et cela uniquement pour