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L’aînée de ses enfants, Cécile, était venue aussi au moulin. La fillette avait toujours un enfant sur ses bras, parce qu’il en venait toujours un de plus, chaque année, dans la famille. La meunière lui posa tout aussitôt la question : « Qu’aviez-vous donc de si bon pour votre dîner d’aujourd’hui ? » — « Rien, rien que des pommes de terre, » répondit Cécile. « Quoi ? Rien que des pommes de terre ? Mais Marie m’a dit que ta maman lui avait donné un morceau de lièvre et qu’il était si bon ! ! »

« Ah, ce n’était pas du lièvre, madame la meunière ; c’était un morceau du chat que papa a reçu au village de Montagne-Rouge. Et puis, nous avions des écureuils. Il avait rencontré un jeune chasseur qui portait trois écureuils qu’il avait tirés pour un hibou, et il le pria de les lui donner, parce qu’il avait entendu dire que les écureuils ont la chair très-bonne, ne se nourrissant que de noisettes. Le jeune homme les lui a donnés en disant qu’il avait bien raison. Et papa les a apportés et dépouillés. Maman nous les a fait cuire, en y ajoutant des pommes de terre, de sorte que nous eûmes ainsi un dîner excellent. Quand Marie est venue chez nous, notre mère lui en a donné aussi un morceau. Dernièrement, maman nous a rapporté quelque chose de la basse-cour. La fille de chez M. l’intendant avait étouffé une oie pour l’avoir emboquée trop vite. Il a fallu lui couper le cou. Mais madame n’en a pas voulu ; elle l’a donnée à maman, et c’est ainsi que nous avons de la viande pour plusieurs dîners et de la graisse pour longtemps. »