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Là, ils jouaient à différents jeux, à la balle, au cheval, aux couleurs etc. Plusieurs camarades, et toujours les mêmes, les y attendaient ; c’étaient six enfants, l’un plus petit que l’autre comme sont les tuyaux d’orgue. C’étaient des enfants de la maison où l’on brise le lin, au-dessus de l’auberge. Quand le vielleur était arrivé au village avec sa femme et ses enfants, l’aubergiste leur avait fait bâtir une petite chaumière, comprenant une chambre et une cuisine. Leur père allait dans les environs avec sa vielle ; et la mère, qui restait à la maison, lavait et raccommodait les habits et le linge des enfants, ou travaillait en journée chez le monde, pour la nourriture. Ils ne possédaient rien que ces six petits pandours comme les appelait leur père et ce peu de musique. Mais à part cela, on ne remarquait pas si fort la misère, non plus que sur leurs parents. Les enfants avaient les joues rouges comme des abécédaires ; et tels étaient l’odeur et le fumet qui s’échappaient parfois de la chaumière que les passants en prenaient de l’appétit et auraient bien voulu manger de ce qu’ou y faisait cuire. Et quand les enfants en sortaient, la bouche grasse et luisante, les voisins se demandaient : « Qu’est-ce donc que la femme de Kudrna a fait rôtir ? »

C’est pourquoi un jour que Marie revenait de chez les Kudrna, elle rapporta à sa mère que la femme de Kudrna lui avait donné un morceau de lièvre si appétissant qu’elle ne pouvait pas même le dire. Il avait juste le goût de l’amende.

« Un lièvre ? » se pensa la meûnière ; « où l’auraient-ils bien pris ? Kudrna n’irait peut-être pas braconner ! Il se ferait un mauvais parti. »