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devenir chasseur, je le prendrai chez moi ; d’ailleurs, mon fils François deviendra, lui aussi, chasseur. »

« Mais, frère, ce n’est pas le plan. Ici, il aurait la maison natale au bout des dents. Or, il vaut beaucoup mieux qu’un jeune homme apprenne au loin les difficultés de son état ; et vous autres, chasseurs d’en bas, vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir du mal. » Et ce forestier se mettait à retracer les peines attachées à son état : il parlait des vents et des tourbillons, soulevés en hiver, des chemins escarpés, des abîmes, des gigantesques avalanches amoncelées par la violence du vent, et aussi des brouillards. Il racontait combien de fois sa vie avait été en danger, quand son pied avait glissé sur un escarpement ; combien de fois il s’était égaré, et comment il avait dû marcher deux et trois jours, sans rien manger, sans savoir où il se trouvait, ni s’il pourrait sortir de son labyrinthe. « Mais vous, ici en bas, ajoutait-il, vous ne savez pas non plus comme il fait beau en été dans les montagnes. Après la fonte des neiges, les vallées se parent de vertes couleurs ; les fleurs renaissent au plus vite ; les forêts sont toutes remplies de parfums et de chants. Or, tout ça réparait tout-à-coup et comme par enchantement ; puis, c’est un plaisir de cheminer dans les bois pour se rendre à l’affût. En ce temps là, je monte, une ou deux fois par semaine, sur la montagne de glace, le Schneekoppe (4955 pieds), et quand je contemple, de là, le lever du soleil, ce monde divinement beau, étendu sous mes pieds, il me semble que je ne pourrais vivre sans mes montagnes ; et là, j’oublie tous les dangers passés.