Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 35 —

devait faire à Madame Proschek l’honneur de venir la voir, celle-ci disait alors : « J’aurai de la visite aujourd’hui ! »

Grand’mère sortait toujours avec les enfants ; elle n’avait pas le courage de ne pas aimer quelqu’un ; cependant la femme de l’administrateur ne lui plaisait pas, parce qu’elle se faisait trop grande dame. Dans les premiers temps de son séjour chez sa fille, deux autres dames vinrent avec l’intendante faire visite à Mme Proschek, alors absente. Grand’mère les invita à s’asseoir, apporta le pain et le sel, et pria ces dames, avec sa sincérité ordinaire, de vouloir bien se servir ! Les nobles dames la remercièrent en faisant la moue et lui dirent qu’elles ne mangeraient point ; mais tout cela d’un air qui voulait dire : « Pauvre femme du commun ! Et quelle idée avez-vous donc de nous ? — Que nous ne serions que des gens à considérer tant bien que mal ? » Madame Proschek qui survint eut bien vite remarqué que grand’mère avait commis une faute contre les us du grand monde ; aussi demanda-t-elle à sa mère, après le départ de ces dames, de ne plus offrir le pain et le sel à ces sortes de personnes, accoutumées qu’elles étaient à de meilleures choses.

« Sais-tu bien, Thérèse, » lui répondit grand’mère un peu animée, que celui qui n’accepte pas le pain et le sel chez nous n’est pas digne que je lui offre une chaise ? Mais fais tout selon ta volonté ; car je ne comprends rien à vos nouveautés.

Parmi les hôtes qui venaient, une fois par an, à la Vieille-Blanchisserie se trouvait en première ligne Vlach, le marchand ; il arrivait toujours