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digue. Grand’mère disait de ce maître meûnier, ou de père meûnier, comme on l’appelait communément, que c’était, un très-honnête homme, mais bien un peu farceur.

C’est que le père meunier aimait bien taquiner et plaisanter un peu ; pour lui-même, il ne riait que peu, et encore du bout des dents. Ses yeux regardaient, sous d’épais sourcils, fort joyeusement dans le monde. Il était de moyenne taille, mais fort. Il ne portait, de toute l’année, des pantalons que de couleur blanchâtre, ce qui causait l’étonnement des garçons ; mais le maître meûnier leur avait dit une fois que c’était la couleur de toute la meûnerie. On lui voyait en hiver une pelisse longue et des bottes fortes ; en été, une jaquette bleue, des pantalons blancs, et des pantoufles.

En semaine, il avait la tête couverte d’un bonnet peu élevé et en peau d’agneau ; ses pantalons étaient toujours relevés, qu’il fît sec ou de la boue ; il n’y regardait pas ; et personne ne le voyait non plus sans sa tabatière à la main. Aussitôt que les enfants l’apercevaient, ils couraient à sa rencontre lui souhaiter le bon jour, et l’accompagnaient à la vanne. En chemin, père meûnier taquinait ordinairement Jean et Guillaume, en demandant à l’un s’il savait où le pinson perche avec son nez ? et « s’il savait où est bâtie l’église d’un bœuf ? » Ou bien, il demandait à Jean s’il pouvait calculer combien coûterait un petit pain blanc d’un kreutzer, supposé que le boisseau de froment coûtât dix florins. Et quand le garçon tout en riant lui répondait juste, il disait : « Allons ! Je vois déjà que tu es un fin merle et qu’on pour-