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choir, étaient couvertes de prunes et de poires, on voyait très-souvent Jean et Guillaume traverser le petit pont ; mais ils prenaient bien garde à ne pas être aperçus de leur grand’maman ; précaution qui ne leur servait guère. Car en entrant au séchoir, elle voyait bien tout de suite où il manquait quelque chose, et devinait que les deux garçons avaient passé près des fruits secs. « Jean, Guillaume, venez ici ! » leur criait-elle en descendant. Il me semble que vous avez pris des prunes ? »

« Non, grand’mère, » répondaient les deux petits garçons en rougissant.

« Ne mentez pas ! » répliquait grand’mère en les menaçant. « Ne savez-vous pas que Dieu vous entend ? » Et les garçons se taisaient, comme si grand’mère savait tout. Les enfants étaient bien surpris qu’elle sût tout et qu’elle les eût sur-le-champ devinés. Ils n’eurent plus le courage de rien dissimuler devant elle. Quand, en été, il faisait très-chaud, elle leur enlevait les habits et les menait, en chemise, se baigner dans la rigole ; mais il fallait que l’eau ne leur montât qu’aux genoux ; autrement elle aurait eu peur qu’ils ne se noyassent. Elle s’asseyait aussi avec eux sur l’étroit lavoir, établi dans l’eau pour aigayer du linge, et elle leur permettait de baigner leurs petits pieds et de jouer avec les petits poissons, qui, sous leurs yeux, disparaissaient comme des flèches. Au-dessus de leurs têtes se courbaient des aunes et des saules ; les enfants aimaient à cueillir de petites baguettes pour les jeter dans la rigole et regarder comment l’eau les emportait.