Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 327 —

ne l’en empêcha pas. Mila arriva. Qu’étaient devenues la fraîcheur et la beauté de son visage, et la vivacité de ses beaux yeux ! On eut dit qu’il avait été taillé dans le marbre. Il tendit la main à grand’mère sans dire un mot, embrassa aussi silencieusement sa fiancée ; et tirant de sa poche le mouchoir brodé que tout garçon reçoit, en signe d’amour, de celle qu’il doit épouser, il lui en essuya les yeux. Ils ne se parlèrent point de leur douleur profonde, mais quand ils entendirent résonner de l’auberge cette chanson :

  Au dur moment de leurs adieux
  Comme deux cœurs sont déchirés !
  Comme ces deux cœurs, ces quatre yeux
  Jour et nuit se seront pleurés !

Christine embrassa vivement son Jacques et éclatant en sanglots elle cacha son visage sur sa poitrine. Ce chant qu’ils entendaient n’était qu’un écho de la mélodie qui résonnait sans cesse dans leurs cœurs.

Grand’mère se leva ; une grosse larme roula le long de sa joue, et Barounka pleurait aussi. Puis, mettant sa main sur l’épaule de Mila, la compatissante vieillotte lui dit d’une voix émue : « Que Dieu t’accompagne et soit ta consolation, Jacques ! Fais ce que tu dois, et il ne t’en coûtera pas tant. Si Dieu bénit mon dessein, votre séparation ne sera pas de longue durée. Espérez. Et toi ma fille, si tu l’aimes, ne lui rend pas la séparation plus pénible encore. Adieu ! » Elle dit et fait à Mila le signe de la croix, lui serre la main, se retourne bien vite, et prenant une des deux filles à chaque main, elle