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de douleur qui oppressait le cœur d’un chacun et enveloppait son visage, voilà ce qui l’effrayait. Elle ressentait bien ce qu’il y avait au cœur de ces mères affligées, dont l’une se tordait les bras dans une douleur muette ; dont l’autre pleurait silencieusement, tandis qu’une troisième se lamentait tout fort. Et que se passe-t-il dans le cœur de ces jeunes filles qui d’un côté, ne se trouvant pas libres de laisser voir leur chagrin, et à qui de l’autre, ne peuvent voir sans verser des larmes ces jeunes gens au visage blême ; qui, à force de boire, n’en deviennent que plus tristes, et qui pour chanter ne se trouvaient plus de voix. Elle comprenait les sentiments des pères qui assis aux tables ne disent rien ; mais réfléchissent aux moyens de remplacer les garçons laborieux qui partout étaient leur bras droit. Et comment ne ressentiraient-ils pas de chagrin, de s’en voir séparés pour quatorze longues années. Aussi grand’mère était allée avec les enfants s’établir dans le verger. Quelques instants après Christine arrivait, accablée de chagrin, les yeux en larmes, et pâle comme un mur blanc. Elle voulait parler mais on eut dit que le poids d’une pierre l’oppressait et que la gorge était serrée. Elle ne put dire un mot. Elle s’appuya contre le tronc d’un pommier qui était tout en fleurs. C’était le même pommier par-dessus lequel elle avait jeté la couronne, à la saint-Jean de l’année précédente, Sa couronne avait volé par dessus ; et voici qu’au moment où ses espérances devaient se réaliser et où elle allait devenir la femme de Mila, elle se voyait obligée à s’en séparer. Elle se couvrit le visage de son tablier blanc, et se mit à sangloter. Grand’mère